La révolution des « plastiques » des années 1950s a offert aux artistes une profusion de nouvelles matières (acryliques, vinyliques, etc.) utilisées comme liants des pigments dans la composition des peintures, mettant ainsi à disposition de nouvelles palettes d’aspect, couleurs, textures … dont la nature chimique est rarement documentée dans les archives. Que ce soit pour documenter les pratiques artistiques et les démarches des créateurs ou pour élaborer des procédures de conservation/restauration adaptées à ces nouveaux matériaux il est nécessaire de déterminer la nature précise des composés utilisés.
Pour respecter la conservation des œuvres et en l’absence de restauration programmée, les approches analytiques non invasives sont indispensables. De plus, elles doivent être simples à mettre en œuvre directement sur les peintures dans le contexte des musées ou des espaces de stockage. Identifier sur site directement sur les œuvres de manière non invasive la nature des polymères utilisés comme liants des pigments reste un défi analytique étant donné la diversité et la complexité des formulations utilisées. Défi relevé par des scientifiques du laboratoire MONARIS (Sorbonne Université / CNRS) avec la Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporana à Rome (Italie), qui viennent d’élaborer des protocoles analytiques permettant d’identifier sans ambiguïté la composition chimique d’une large palette de peintures, en combinant spectroscopie infrarouge en mode réflexion spéculaire pour la détermination des liants et spectroscopie Raman pour celle des pigments.
Une sélection de sept œuvres de peintres allemands et italiens (Josef Albers, Agostino Bonalumi, Toti Scialoja, Luigi Boille et Mario Schifano) actifs à Rome dans les années 1960 ont été analysées afin d’élaborer et de valider ces protocoles. Le spectromètre infrarouge, positionné à environ 1,5 cm de la surface pour une mesure en réflexion spéculaire, permet d’obtenir les signatures caractéristiques des liants polymériques sur des surfaces aux aspects et géométries variées. Les spectromètres Raman ont quant-à-eux permis d’identifier une grande partie des pigments et colorants présents, inorganiques ou organiques. Les résultats montrent que les compositions supposées des liants des peintures (acrylique, vinylique, tempera, émail, huile) étaient soit partiellement erronées, soit incomplètes.
Ces travaux, publiés dans la revue de chimie analytique Talanta, montrent que ces nouvelles approches spectroscopiques non invasives simples et robustes permettent une analyse précise d’un grand nombre de liants et de pigments utilisés dans les peintures modernes. En amont de toute approche analytique invasive ces stratégies qui respectent l’intégrité des œuvres peuvent déjà fournir les informations requises, ou bien guider, orienter et limiter le micro-échantillonnage dans une stratégie d’étude intégrée.
Référence : Diana Mancini, Aline Percot, Ludovic Bellot-Gurlet, Philippe Colomban, Paola Carnazza
On-site contactless surface analysis of Modern paintings from Galleria Nazionale (Rome) by Reflectance FTIR and Raman spectroscopies, Talanta, 2021, 227, 122159.
https://doi.org/10.1016/j.talanta.2021.122159
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03141759v1
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