Résultat scientifique : La spectroscopie s’adapte à l’étude de l’art moderne

09 juin 2021 par Ludovic Bellot-Gurlet
L’irruption des « plastiques » dans le monde de l’art a offert aux artistes des nouvelles matières qu’il est nécessaire de bien connaître pour témoigner des démarches artistiques et mettre en œuvre les procédures de conservation/restauration appropriées. Dans ce contexte, les scientifiques du laboratoire MONARIS (Sorbonne Université / CNRS) ont élaboré des protocoles analytiques non invasifs combinant spectroscopies infrarouge et Raman. Pour 7 œuvres sélectionnées dans la collection de la Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporana à Rome (Italie) et réalisées dans les années 1960, ils sont parvenus à identifier précisément les polymères utilisés comme liants et les pigments entrant dans la composition des peintures. Ces résultats sont publiés dans la revue de chimie analytique Talanta.
Analyse par réflexion spéculaire infrarouge de peintures d’Art Moderne (collection GNAM, Rome, © MONARIS)

La révolution des « plastiques » des années 1950s a offert aux artistes une profusion de nouvelles matières (acryliques, vinyliques, etc.) utilisées comme liants des pigments dans la composition des peintures, mettant ainsi à disposition de nouvelles palettes d’aspect, couleurs, textures … dont la nature chimique est rarement documentée dans les archives. Que ce soit pour documenter les pratiques artistiques et les démarches des créateurs ou pour élaborer des procédures de conservation/restauration adaptées à ces nouveaux matériaux il est nécessaire de déterminer la nature précise des composés utilisés.

Pour respecter la conservation des œuvres et en l’absence de restauration programmée, les approches analytiques non invasives sont indispensables. De plus, elles doivent être simples à mettre en œuvre directement sur les peintures dans le contexte des musées ou des espaces de stockage. Identifier sur site directement sur les œuvres de manière non invasive la nature des polymères utilisés comme liants des pigments reste un défi analytique étant donné la diversité et la complexité des formulations utilisées. Défi relevé par des scientifiques du laboratoire MONARIS (Sorbonne Université / CNRS) avec la Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporana à Rome (Italie), qui viennent d’élaborer des protocoles analytiques permettant d’identifier sans ambiguïté la composition chimique d’une large palette de peintures, en combinant spectroscopie infrarouge en mode réflexion spéculaire pour la détermination des liants et spectroscopie Raman pour celle des pigments.

Analyse par réflexion spéculaire infrarouge de peintures d’Art Moderne ; le spectromètre est positionné le plus perpendiculairement possible devant le tableau à 1,5 cm de la surface (collection GNAM, Rome, © MONARIS)

Une sélection de sept œuvres de peintres allemands et italiens (Josef Albers, Agostino Bonalumi, Toti Scialoja, Luigi Boille et Mario Schifano) actifs à Rome dans les années 1960 ont été analysées afin d’élaborer et de valider ces protocoles. Le spectromètre infrarouge, positionné à environ 1,5 cm de la surface pour une mesure en réflexion spéculaire, permet d’obtenir les signatures caractéristiques des liants polymériques sur des surfaces aux aspects et géométries variées. Les spectromètres Raman ont quant-à-eux permis d’identifier une grande partie des pigments et colorants présents, inorganiques ou organiques. Les résultats montrent que les compositions supposées des liants des peintures (acrylique, vinylique, tempera, émail, huile) étaient soit partiellement erronées, soit incomplètes.

Ces travaux, publiés dans la revue de chimie analytique Talanta, montrent que ces nouvelles approches spectroscopiques non invasives simples et robustes permettent une analyse précise d’un grand nombre de liants et de pigments utilisés dans les peintures modernes. En amont de toute approche analytique invasive ces stratégies qui respectent l’intégrité des œuvres peuvent déjà fournir les informations requises, ou bien guider, orienter et limiter le micro-échantillonnage dans une stratégie d’étude intégrée.

Analyse par spectroscopie Raman de peintures d’Art Moderne (collection GNAM, Rome, © MONARIS)

Référence : Diana Mancini, Aline Percot, Ludovic Bellot-Gurlet, Philippe Colomban, Paola Carnazza
On-site contactless surface analysis of Modern paintings from Galleria Nazionale (Rome) by Reflectance FTIR and Raman spectroscopies, Talanta, 2021, 227, 122159.
https://doi.org/10.1016/j.talanta.2021.122159

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03141759v1

Voir l’actualité sur le site de l’Institut National de Chimie du CNRS

Analyse par spectroscopie Raman de peintures d’Art Moderne (collection GNAM, Rome, © MONARIS)

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